The sedimentary contributions of the Medjerda to the coastal zone
are poorly measured, and there is no chronicle of observations. In this
context, the sediment monitoring appears indispensable for the quantification
of sediment transport at the outlet. This study focuses on the largest
watershed in Tunisia, the Wadi Medjerda (23 600 km
Dans le contexte actuel des changements climatiques, le suivi du transport
sédimentaire dans les rivières est important pour mettre l'accent sur
les problèmes environnementaux souvent reliés à des changements
observés dans le cycle hydrologique : modification de la
distribution des précipitations, du ruissellement et de l'intensité
des extrêmes hydrologiques (Bates et al., 2008 ; Hungtinton, 2006 ; Labat
et al., 2004 ; Solomon, 2007). Le suivi du transport sédimentaire permet
également d'évaluer et de quantifier les transferts de matières
des continents vers les océans. Cependant, le problème du nombre
réduit de données relatives aux transports solides a toujours
freiné les investigations. Les mesures de transport solide effectuées
en Tunisie et les études ponctuelles détaillées restent
insuffisantes pour traiter ce sujet (Ghorbel et Claude, 1982). Le défi
consiste donc à utiliser des méthodes de mesures simples pour combler
le manque de connaissances. La présente étude s'intéresse au
fleuve Medjerda en Tunisie, afin d'étudier en détail l'évolution
des transports solides à l'exutoire de son bassin versant. L'Oued
Medjerda est devenu un fleuve presque totalement contrôlé depuis
l'intensification des aménagements sur le bassin au début du
XXème siècle, pour atténuer les effets des crues dans la basse
vallée très intensément exploitée. Le transport de
matières solides a été considérablement réduit dans sa
basse vallée, en particulier depuis l'ouverture du barrage Sidi Salem sur
le cours principal de la Medjerda, en 1981, responsable d'une modification
majeure du régime hydrologique du fleuve en aval (Zahar et al., 2008).
L'alluvionnement des retenues des aménagements constitue un problème
récent et majeur (Ben Mamou et Louati, 2007). Or, l'histoire des apports
sédimentaires dans cette zone d'étude n'est pas connue, ce qui
entraîne deux difficultés :
comment évaluer l'apport solide à la mer si l'histoire des
apports sédimentaires n'est pas connue ? comment identifier les différents facteurs contrôlant l'apport
sédimentaire par la Medjerda ?
La paléohydrologie peut en partie répondre à ces questions. On
tentera dans ce cas d'établir un historique de la sédimentation dans
le bief aval du fleuve Medjerda, avant la mer, et de relier cet historique
avec l'histoire des débits, l'évolution climatique et la construction
des aménagements. La paléohydrologie est la reconstruction de
l'ampleur et de la fréquence des inondations récentes et passées
en utilisant des archives sédimentaires (Baker et al., 2002). Notre
travail va se concentrer principalement sur la Medjerda, près de la
station hydrologique de Jdaida située dans la basse vallée mais
suffisamment loin de la mer pour ne pas être impactée par la
marée, zone d'étude pour laquelle il existe une quantité
importante de données historiques, particulièrement sur les
débits des 70 dernières années. Notre approche consiste à
prélever des carottes de sédiment dans un méandre où les
dépôts sont réguliers et peu turbulents, afin de récolter des
informations sur les dépôts réels sur plusieurs décennies.
Nous avons utilisé des techniques d'analyse stratigraphique et de
datation des dépôts (
Localisation des grandes stations hydrométriques et des barrages sur le bassin versant de la Medjerda, et site du carottage.
Le fleuve Medjerda est le plus long de Tunisie, avec 484 km dont 350 km en
Tunisie (Ben Mansoura et al., 2001). Il prend sa source près de
Souk-Ahras, dans le Constantinois algérien, puis coule vers l'est avant
de se jeter dans la mer Méditerranée dans le golfe de Tunis. La
Medjerda draine 23 600 km
Avant de se jeter dans la mer, la Medjerda traverse trois types de plaines :
en amont, la haute vallée (du côté de Ghardimaou) est
constituée de bassins colmatés par des sédiments quaternaires. Le
fleuve et ses affluents sont caractérisés par des méandres
encaissés de 8 à 10 m. Ces régions appartiennent à des zones
faiblement montagneuses. Les fortes crues ne débordent
qu'exceptionnellement en dehors du lit du fleuve (Kotti et al., 2016) ; en aval de la retenue de Sidi Salem, de Testour à Jdaida, dite moyenne
vallée de la Medjerda, le fleuve est encaissé dans la plaine.
L'encaissement repasse à plus de 10 m en aval de Laroussia avant de
s'atténuer rapidement vers Jdaida. Dans tout ce secteur la plaine est
inondable surtout dans la partie centrale. En allant vers la mer les reliefs
de ce bassin s'adoucissent ; dans la basse plaine, en aval de Jdaida, commence le delta. La pente de la
Medjerda est encore marquée et son tracé a fréquemment
été modifié, soit naturellement soit par des travaux (coupure de
méandres, ouverture de nouvel émissaire…). Du point de
vue géologique, la Medjerda est occupée par des alluvions
quaternaires le plus souvent argilo-sableuses à argilo-sablo-limoneuses.
La pluviométrie moyenne annuelle dépasse 1000 mm au nord du bassin
versant de la Medjerda et diminue progressivement vers le sud. Il s'agit
d'une pluviométrie souvent concentrée dans le temps,
irrégulière et inégalement répartie sur les différentes
saisons (Kotti et al., 2016). La base des données hydrologique provient
en grande partie de la Direction Générale des Ressources en Eau. Par
ailleurs le laboratoire HydroSciences Montpellier (HSM) dispose d'une base de
données pluviométrique importante au pas d'espace du demi-degré
carré, qui propose des valeurs mensuelles de pluie par maille de
2500 km
Le régime hydrologique est typiquement méditerranéen. Les
contrastes saisonniers sont très marqués puisque, pendant
l'été, le débit d'étiage peut se réduire à moins d'
1 m
Caractéristiques des aménagements construits sur le bassin versant de la Medjerda (DGBGTH, 2016).
Le site du carottage a été choisi après plusieurs missions de terrain (2013, 2014, 2015) qui avaient pour objectif d'identifier différents sites potentiellement intéressants pour la thématique. Le site d'étude est localisé dans un méandre en aval du dernier barrage -Sidi Salem- mais en amont de la zone estuarienne, proche de la station hydrologique Jdaida, la dernière avant la mer. Trois carottes ont été échantillonnées sur cette même terrasse alluviale, C1 de 90 cm, C3 de 120 cm et C5 de 300 cm de profondeur. L'approche paléohydrologique a été utilisée pour comparer les résultats sédimentologiques et géochronologiques de cette archive sédimentaire aux informations de la station hydrométrique de Jdaida située juste en amont du site d'étude choisi.
L'identification et la mise en évidence des différents événements de crues ont été réalisées grâce à l'inspection minutieuse de chaque dépôt (décompte des lamines, identification de paléosols, détection des surfaces d'érosion, étude de la variabilité granulométrique à partir d'un granulomètre laser Beckman Coulter LS 13320 au laboratoire Géosciences Montpellier.
Toute reconstitution paléo-environnementale, à partir de l'étude
des archives sédimentaires, nécessite l'établissement d'une
échelle chronologique la plus fine possible, afin de dater avec une
bonne résolution les événements hydrologiques passés. Les
isotopes principalement utilisés pour dater les événements du
siècle dernier sont le Datation par le Datation par le
Le Plomb 210 est un isotope radioactif naturel issu de la chaîne de
désintégration de l'Uranium 238. L'Uranium 238, contenu naturellement
dans la croûte terrestre, subit la série de désintégration
suivante : Uranium 238 – Uranium 234 – Thorium 230 – Radium 226 – Radon
222. Le 222Rn (T1/2
Le Césium 137 est un isotope radioactif artificiel issu de réactions
de fission nucléaire. Il est relâché dans l'atmosphère lors
de l'utilisation de bombes atomiques et d'accidents dans des centrales
nucléaires. Avec une période de demi-vie (30,17 ans) proche de celle
du
Le taux d'envasement de chaque barrage construit sur le bassin versant de la Medjerda met en évidence l'importance de l'alluvionnement durant la durée de l'exploitation des retenues des barrages, dont Mellegue, Siliana et Sidi Salem qui sont sujettes à un alluvionnement plus important (tableau 1). Il a été estimé que le volume initial de la retenue de Sidi Salem sera envasé jusqu'à 60 % 100 ans après la construction du barrage, et l'envasement devrait être total pour les retenues des deux barrages de Mellegue et Siliana dans 60 à 65 ans (Ben Mammou et Louati, 2007). Des soutirages efficaces permettent dans ce cas de réduire le taux d'alluvionnement et d'augmenter la durée de vie de ces barrages. D'après Abid (1980), 59 à 64 % des apports solides dans la retenue du barrage de Mellegue, durant la période 1954–1980, ont été soutirés grâce aux manœuvres de dévasement pendant les crues. La Fig. 2 montre le volume de vase évacué suite à des événements exceptionnels entre 1954 et 2003 au niveau du barrage Mellegue et entre 1982 et 2005 au niveau du barrage Sidi Salem. En 1969, de très importants volumes de sédiments évacués lors d'une crue se sont accumulés surtout dans les zones où la pente diminue, ainsi que dans les secteurs évasés. En mars 1973, l'oued Medjerda a connu une autre crue plus intense provoquant de graves inondations avec une quantité exceptionnelle de matériaux transportée et ce malgré les gros travaux d'endiguement effectués à Jdaida (entre 1947 et 1957) (Ben Hassine and Rejeb, 2003).
Depuis la mise en eau du barrage Sidi Salem en 1981 jusqu'en 1990, le volume
de vase évacué par ce barrage est quasiment nul. On remarque le
faible pourcentage de vase évacuée dû à l'arrêt des
opérations de soutirage. Quelques opérations de dévasement
occasionnel ont été associées à des débits maximum
exceptionnels : 595 m
La Fig. 2a illustre parfaitement l'accroissement des volumes
solides évacués suite à la crue exceptionnelle de 2003. Quatre
fortes crues très rapprochées sont survenues dans le bassin de la
Medjerda au début de l'année 2003, après quatre années de
sécheresse (Abdelhamid et Khalil, 2009). Elles ont cumulé un milliard
de m
L'objectif principal de cette section est de développer un modèle
simple qui montre l'atténuation du signal des apports solides à
Jdaida avec les données disponibles sans tenir compte des paramètres
physiques du bassin. La méthodologie s'intéresse d'abord au premier
barrage Mellegue construit puisque, on dispose à cette station de 1954
à 2005 d'un historique des apports solides annuels au barrage MES
Avant la mise en eau du barrage Sidi Salem en 1981, les barrages Mellegue, Beni Metir, Bouherma, Kassab et Lakhemes (tableau 2) déversaient vers la mer sans autre obstacle. Depuis 1981, les quantités de MES qui ressortent de ces barrages arrivent au barrage d'ordre 2 Sidi Salem, situé juste après la station Bousalem, sur le cours de la Medjerda (tableau 2). Depuis la mise en eau du barrage Siliana en 1987, les quantités qui ressortent du barrage Lakhemes arrivent au barrage Siliana d'ordre 2. Cette étude permet de classer l'ordre de grandeur des flux des matières solides jugés assez proche de la réalité. La quantité de MES qui arrive à Jdaida est calculée en additionnant les quantités de MES lâchées par chaque barrage avec les quantités de MES produites dans le bassin intermédiaire, en appliquant à chaque fois la réduction de MES déjà calculée à Mellegue. Les résultats de cette approch, illustrés par la Fig. 3 et le tableau 2, montrent la réduction de la quantité de MES calculé à la station de Jdaida depuis la mise en eau du barrage Sidi Salem. Notons tout de même qu'il faut prendre les résultats obtenus avec beaucoup de précaution, cependant cela produit un signal d'atténuation des apports solides qui peut servir à interpréter les carottes prélevées dans la basse vallée. Nous avons eu recours à la modélisation à l'aide d'un modèle simplifié pour pallier au manque des données réelles dans le but de l'estimation du transport solide dans la Medjerda, mais il faudrait mettre en place un programme de mesures de débits solides au sortir des barrages pour valider ce modèle. Cette approche doit être approfondie en prenant en compte les informations qui pourront être obtenues auprès des gestionnaires de barrages, afin de mieux identifier la variabilité locale de la production de MES et des taux de sédimentation dans les barrages. D'autres modèles seront peut-être mieux appropriés avec beaucoup plus de précision concernant entre autre la production de sédiments. Il est recommandable de donner plus d'effort et d'investissements de la part des organismes concernés pour pouvoir donner une estimation exacte du transport solide.
Evolution des apports solides calculés à Jdaida et des volumes calculés et mesurés de vase évacuée à Sidi Salem.
Rapport sur valeur moyenne de MES calculé au niveau de chaque barrage et des valeurs moyennes de MES calculées à Jdaida.
L'utilisation de données granulométriques est indispensable à l'étude des archives sédimentaires. On se limite dans cette partie au résultat d'une seule carotte C5, la plus profonde et la plus riche en couches de sédiments différentes à interpréter. Les deux autres carottes C1 et C3 ne sont pas assez profondes pour atteindre le pic de Cesium, mais elles mettent en évidence une certaine variabilité latérale des dépôts, tout en confirmant la nature essentiellement argileuse des premiers 80 cm de dépôt.
La mise en place d'un log litho stratigraphique nous a permis d'identifier
visuellement les différents dépôts de crues. L'archive
sédimentaire montre d'importantes variations granulométriques en
fonction de la profondeur, d'un matériel silteux-argileux à sableux (D50 compris entre 5
et 240
Reconstitution historique des apports sédimentaire par les
traceurs chronologiques (
L'ensemble des travaux d'observation, des études granulométriques et
géochimiques de la carotte C5 permet d'identifier de manière plus
fine le nombre de dépôts de crues. Les variations
granulométriques et géochimiques sont le reflet des modifications de
la dynamique sédimentaire. Le nombre de dépôts de crue est
estimé à 18 et sont notés de FD1 à la base de l'archive à
FD18 au sommet. Dans la séquence des dépôts de crue de la carotte
C5, l'unité de dépôt FD1 présente une activité non
négligeable de
Ces traceurs chronologiques, nous ont permis de mettre en place une
chronologie approximative des dépôts de crue (FD1 à FD18) que
nous comparons à l'historique des crues disponibles depuis 1930 à la
station de Jdaida (Fig. 4). La comparaison de ces enregistrements permet
d'attribuer de manière plus fine des âges aux dépôts de crues
de la séquence FD. L'événement de 1969, le premier
événement puissant après 1963 enregistré par les archives
instrumentales (832 m
Evolution des sédiments transportés dans la basse vallée de Medjerda depuis 1950.
La plaine de Medjerda est l'une des zones les plus peuplées de Tunisie, 288 834 habitants en 2004 (INS). Depuis l'indépendance en 1956, le pays a connu une croissance rapide de la population, et les zones urbaines au nord ont augmenté de 7,16 % entre 1950 et 2007 (Samaali, 2011). Compte tenu de l'augmentation des utilisations de l'eau dans les pôles économiques urbains au nord-est et au centre-est, l'état a suivi un plan de développement pour la mise en place d'un grand nombre de retenues, dont 9 grands barrages construits dans le bassin versant de la Medjerda, afin de répondre à l'intérêt général.
Les résultats d'analyse granulométrique de la carotte C5 montrent
principalement une succession de petites couches de matériel fin (silt ou
argile) depuis la mise en eau du barrage Sidi Salem en 1981 et un taux de
sédimentation faible (2,3 cm an
Ceci illustre bien l'impact de la mise en eau des nombreux barrages sur le bassin, qui prive la basse vallée, l'estuaire et la zone littorale de la majeure partie des apports sédimentaires, en particulier grossiers.
Généralement, les barrages limitent les apports de sédiments à la mer et participent au déficit général de sédiments sur les côtes. Ils capturent jusqu'à 30 % des flux de sédiments produits sur les massifs (Vorosmarty et al., 2003). Depuis la construction des barrages sur le bassin versant de la Medjerda, dont le plus important, celui de Sidi Salem, le lit de la Medjerda a connu d'importants changements morphologiques dans sa basse vallée, et en particulier un important engraissement du lit mineur. Cet engraissement est dû en grande partie à la réduction des débits de crue exceptionnels qui devraient “ chasser ” les dépôts anciens du lit mineur. Ceci a diminué la capacité de transit du fleuve ainsi que la vitesse d'écoulement entre la sortie du barrage et l'estuaire. Il en résulte l'apparition de débordements plus fréquents et la propagation des inondations pour des débits de plus en plus faibles. Par ailleurs, les crues ont également beaucoup moins d'impact mécanique sur la région côtière.
Les résultats de mesures de l'alluvionnement menées depuis une
vingtaine d'année, montrent l'importance de la sédimentation dans les
retenues des barrages de Tunisie. Des concentrations supérieures à
100 g L
La Medjerda est devenu un fleuve presque totalement contrôlé, et les
matières solides qu'il apporte ont été réduites de façon
considérable. Ce qui indique aussi que les crues ont beaucoup moins
d'impact mécanique sur la région côtière. La mise en
évidence de différents paléo-événements de crue qui ont
été datés par des méthodes complémentaires (
D'après la carotte C5, le taux de sédimentation était d'environ
10 cm an
Des données sont disponibles sur demande.
Les auteurs déclarent qu'ils n'ont acun conflit d'intérêts.
This article is part of the special issue “Water quality and sediment transport issues in surface water”. It is a result of the IAHS Scientific Assembly 2017, Port Elizabeth, South Africa, 10–14 July 2017.
Nous remercions l'Institut National Agronomique de Tunisie et son Directeur Monsieur Mahmoud Elyes Hamza, pour le soutien logistique et financier, et pour l'octroi d'une bourse de stage à l'Université de Montpellier. Le programme Campus France est particulièrement remercié pour l'attribution d'une bourse Eiffel de séjour long en France, ainsi que l'IRD pour une bourse de séjour scientifique long en France. Nous remercions aussi le Centre National des Sciences et Technologies Nucléaires pour la disponibilité du matériel de carottage. Edited by : Christophe Cudennec Reviewed by : Didier Orange and one anonymous referee